J’ai lu « Ne m’oublie pas » le roman graphique de Alix Garin
Vu l’accueil reçu pour ce premier roman graphique « Ne m’oublie pas« , j’ai décidé d’entamer sa lecture. Alix Garin, jeune autrice belge, a sorti, en janvier, chez Lombard, ce premier livre.
Bien que je savais que cette histoire, proche en plusieurs points, de notre relation avec ma grand-mère, allait me secouer, je l’ai commandée.
J’ai donc ouvert la robuste couverture cartonnée, et malgré l’heure tardive, j’ai eu beaucoup de mal à la refermer…
J’avais bien lu la présentation de cette fiction, où Clémence offre une fugue à sa grand-mère qui était atteinte d’une forme de démence. Lors de cette escapade en dehors de la maison de repos, je savais que les mots allaient être forts. Mais je ne pensais pas, autant, me faire rattraper par le choix graphique et les illustrations.
Dans cet article, je vous livre mon avis sur ce roman graphique, mais aussi des conseils et idées pour que les thèmes abordés soient prolongés.
Quelques mots sur le scénario.
La jeune Liégeoise d’origine, précise d’entrée, dans une interview donnée pour « L’ivresse des bulles », que cette histoire est bien une fiction. Cependant, elle développe une partie de son histoire personnelle : « Le fait d’avoir accompagné une proche atteinte d’une démence apparentée à Alzheimer, m’a permis de s’inspirer pour les émotions. »
Au début de l’histoire, Clémence, l’héroïne de ce roman, est appelée par sa mère. Elle lui demande de la rejoindre, une nouvelle fois, à la maison de repos qui accueille sa grand-mère. Cette dernière, très désorientée, vient de tenter sa quatrième fugue. Le personnel de l’établissement informe la famille qu’ils ont décidé de prescrire un traitement chimique afin de limiter les fugues.
Une sorte de camisole chimique, qui trouble fortement Clémence. C’est à partir de ce moment que nous plongeons dans la relation triangulaire entre Clémence, sa mère et sa grand-mère. La jeune fille est amenée à retourner dans la maison de sa grand-mère. De nombreux souvenirs heureux ressurgissent ! Et si elle aussi, permettait à sa grand-mère, de ressentir les émotions véhiculées par ses propres souvenirs d’enfance ?
La préméditation de la fugue est en marche, cette idée nous lance dans une cavale haletante ! Au programme, de l’amour, des doutes, de l’humour et des questions essentielles.
Un roman graphique, quelle bonne idée !
C’est la première fois que j’oriente mon choix de lecture vers un roman graphique. Très proche de l’univers de la bande dessinée, les auteurs de romans graphiques se permettent, cependant, quelques libertés. Les sujets illustrés par cette technique sont plus régulièrement des thématiques liées à la vie quotidienne.
Et pour « Ne m’oublie pas », c’est une évidence. Le trait doux, les couleurs pastel et certaines planches qui font penser à de véritables aquarelles sont splendides. A mon sens, les illustrations poétiques font plus que renforcer le texte, elles le dépassent ! En re-feuilletant le livre pour vous écrire cet article, je constate que je pourrais regarder certaines planches pendant de nombreuses minutes, tellement elles sont puissantes pour accompagner mes réflexions liées à l’accompagnement des personnes âgées.
Comme cette vignette, où les pétales de myosotis, qui sont fleurs du souvenir, représentent des confettis pour célébrer la vie et la liberté !
Un contraste, entre des émotions dures et la luminosité des illustrations.
« Ne m’oublie pas » est une parenthèse d’aventures pour cette grand-mère qui avait rejoint son dernier lieu de vie. Et les lecteurs au côté rebèle se régaleront, comme moi, de cette dimension d’interdit jouissif, car non, en 2021 on ne sort pas nos proches de maisons de repos comme on le souhaite…
Des émotions mais pas du pathos.
Alors que des thèmes très profonds sont approchés comme la culpabilité et l’errance des familles, la solitude ressentie par les personnes âgées, les conséquences de la maladie…l’autrice arrive à distiller des messages sans tomber dans la tristesse ou la pitié.
Les sujets sont nombreux, et parfois, pour certains d’entre eux, j’ai eu du mal à les lier à ligne conductrice du roman. Par exemple, ces quelques planches dédiées à l’homosexualité de Clémence.
J’ai beaucoup apprécié que l’autrice, décide de prendre comme angle d’approche la famille. Et plus particulièrement, les petits-enfants.
Cette lecture me fait prendre conscience que dans ce type de maladie, les familles désirent souvent offrir une dose de répit à leurs proches.
Comme dans l’excellent documentaire biographique réalisé, par Elie Sémoun, « Mon vieux », l’héroïne part à la conquête de ses souvenirs d’enfance. (Si vous voulez lire mon avis et regarder ce documentaire, mon article à ce sujet se trouve ici).
Et je pense que cette quête de souvenirs, permet souvent à ceux qui accompagnent de réimprimer les leurs et d’en créer de nouveaux forts.
Dans notre famille, par exemple, nous avons tous travaillé au « Livret de vie » de notre grand-mère. Acompagnées de sa logopède, nous avons sélectionné les photos qui nous paraissent essentielles et avons complété par quelques textes et anecdotes. Lors de nos visites, il nous arrive souvent de nous replonger dans celui-ci. Comme cela fait du bien à toute la famille.
Enfin, il est incroyable de voir, à quel point, Alix Garin a développé ce sujet avant même la crise sanitaire et le confinement de centaines de personnes âgées dans les maisons de retraite !
Un livre pour construire un accompagnement plus proche.
L’autrice déclare qu’elle a reçu de nombreux témoignages de lecteurs. Elle se dit très heureuse que pour certains, ce livre a permis l’expression d’émotions ressenties, mais non verbalisées jusque là.
Et justement, c’est pour une de ces raisons que je pense que certains extraits de ce roman graphique pourraient être un très bon support d’animation.
Vu les thèmes abordés, je recommanderais la lecture à partir de 14 ans.
Personnellement, je pense qu’il pourrait être un très bon départ de réflexion pour des étudiants infirmiers, aides soignants, aides familiales, éducateurs...(changement de l’apparence physique, besoins, attentes et envies des plus âgés, communication avec les familles…)
Les aidants proches se reconnaîtront , eux-aussi, dans certains passages. Certaines planches pourraient être utilisées comme « brise-glace » pour ouvrir la discussion.
Enfin, je pense que l’outil pourrait être également le déclencheur de nouvelles collaborations dans la triangulation « résident-soignant-famille ». Les thèmes tels que l’accompagnement, la communication entres les différentes parties, l’implication et la motivation des résidents…pourraient être à la source du développement de nouvelles initiatives participatives.
Car malgré la maladie, chaque humain a besoin d’aventure, d’air frais…qui font se sentir en vie et proche de soi et des siens.
« Ne m’oublie pas », d’Alix Garin, roman graphique de 220 pages, disponible également en version numérique.
Plus de renseignements sur le site des éditions « Le Lombard », sous ce lien.
Pour en connaître un peu plus sur l’autrice, et le projet du livre, cliquez ici pour découvrir la vidéo de l’entretien réalisé par « L’ivresse des Bulles ».
Très belle chronique sur ce livre intelligemment conçu.
Bonjour Samuel,
Merci pour votre commentaire. Vous avez raison, tout en finesse.
A bientôt
Coralie
ça donne envie de le lire, je n’ai jamais lu de roman graphique, et je ne vois pas du tout ce que c’est, mais j’aime les belles illustrations et les planches de BD !
Bonjour Caroline,
Si tu aimes les belles illustrations, je te conseille vivement !
A bientôt, Coralie