clown en maison de retraite
18 septembre 2022

Un clown dans l’univers des maisons de retraite : le clown sensible.

Par Coralie

Depuis quelques années, nous nous sommes habitués à voir des nez rouges dans les hôpitaux. Mais saviez-vous, que ceux-ci franchissent, également, les portes des maisons de retraite ?

Pour ce nouvel article consacré aux idées innovantes pour accompagner le grand âge, j’ai décidé de vous présenter Alain, un clown un peu spécial.

Ce « clown sensible », utilise la pratique clownesque non pas dans l’idée d’en faire un spectacle, mais bien de créer une tentative de rencontre entre deux mondes. Le sien et celui des résidents. Et cette frontière est souvent proche de la poésie.

Après cette trêve de quelques semaines, je suis ravie de reprendre ma plume pour vous présenter cette initiative.

Le clown comme outil de lien collectif et individuel.

Alain est clown et comédien. Il continue à se former à la pratique clownesque. Dans ces ateliers clown, il rencontre de nombreux confrères qui exercent dans les hôpitaux. Son attrait envers les personnes âgées, qui ont beaucoup influencé sa vie, l’a guidé vers ce public et plus particulièrement vers les résidents d’EHPAD. Il précise :

« Il ne s’agit pas de venir faire un spectacle, de venir imposer  sa bonne humeur.  Nous venons à leur rencontre avec les regards, les paroles, les sons, les déplacements, les gestes, les touchers, les ressentis, les émotions Tous ces éléments constituent les multiples facettes d’un langage qui peu à peu devient commun et débouche sur la rencontre. Tout est découverte, surprise, curiosité, émotion, tout est envie de rencontre, tout est poésie. »

Alain complète, et insiste sur le fait que le clown sensible est en empathie émotionnelle permanente envers les personnes âgées et ce qu’elles vivent .

Sur les chemins de la rencontre dans les unités protégées.

Le clown sensible explore tous chemins qui peuvent mener vers la rencontre. Par exemple, lorsqu’il n’y a ni parole ni regard possible, ce sont les mains qui tentent la rencontre. J’approche ma main de l’une des siennes, j’accompagne mon geste d’une  parole. Les mains hésitent, se touchent. Si je perçois le consentement alors le dialogue des mains s’installe,  elles s’éloignent, reviennent, s’effleurent, se pressent et souvent les regards finissent par se croiser. Ce sont les mains qui ont tissé ce moment de vie partagée.

Dans les unités Alzheimer, les résidents sont rarement dans leur chambre, ils s’installent dans l’espace partagé où déambulent dans les couloirs. Nos rencontres s’enchaînent sans rupture dans cet espace commun. Dans les autres unités, la plupart du temps, nous rencontrons les résidents dans leurs chambre. La rencontre débute en entrant dans la chambre, se construit dans la chambre et se clôt juste avant de sortir de la chambre. Arrivés dans le couloir, nous nous déchargeons des émotions de la rencontre pour revenir à un état neutre avant d’entrer dans la chambre suivante. Notre parcours ressemble un peu à des montagnes russes. Dans tous les cas, c’est souvent un détail vestimentaire, une coiffure, le port de bijoux, une expression, un élément de décoration dans la chambre qui nous sert de point de départ à la rencontre.»

Les clowns viennent rencontrer les personnes âgées, dans le respect de leur état physique, psychologique et émotionnel. Le clown fait des propositions, mais il ne les poursuit que s’il ressent/perçoit le consentement de la personne âgée.

clown en ehpad

On ne s’improvise pas clown sensible en maison de retraite.

Alain pratique le clown de théâtre depuis 2003. Il a initié son projet d’intervention en EHPAD en 2020 et s’est spécialisé dans ce domaine.

Dans ce cadre il s’est formé au « clown sensible auprès des personnes âgées en EHPAD » en 2021.  Les clowns sensibles interviennent en binôme, ce qui leur permet de jouer l’un avec l’autre et de rebondir sur les propositions et l’énergie du partenaire.

« Nous chantons des chansons de leur jeunesse,   des textes ou des mélodies improvisés. Nous proposons un dialogue autour de notre apparence ou celle de la personne rencontrée. Mon partenaire et moi valorisons leur tenue, leur coiffure, leur expressivité, la beauté de leur regard, de leurs mains. Nous leurs demandons des conseils de vie sur notre costume, notre manière de parler ou tout autre sujet qui semble les intéresser pour les rendre acteurs de la rencontre.

Concrètement.

Parfois nous intervenons de manière ponctuelle, parfois pour plusieurs séances dans la même unité. Lors de nos premières interventions, le personnel des Ehpad est souvent étonné par notre approche, par les libertés que nous prenons. C’est souvent le non-verbal, les positions bizarres pour capter leur regard, nos utilisations détournées et poétiques des objets qui étonnent le plus. Nos rencontres forment des moments de vie partagée que nous prenons le temps d’ouvrir et de clore. Même s’ils ne nous reconnaissent pas quand nous revenons, des traces de nos précédents passages existent. Leur corps ou leur expression par de petits signes semble nous dire « je ne me souviens pas de toi, je ne sais pas qui tu es, mais je te connais ». La proximité est plus facile, il y a moins de distance dans les attitudes. 

Ces tentatives de rencontre chaque fois renouvelées et les échanges avec mes partenaires m’apportent beaucoup. Ils enrichissent ma pratique, m’ouvrent  à d’autres chemins vers la rencontre.»

Pour exercer cette déclinaison de l’art clownesque, Alain explique qu’il faut considérer la pratique du clown comme un outil au service de la personne âgée et d’une rencontre sensible et partagée. « Il faut, bien sûr, une expérience de la pratique du clown de théâtre, mais surtout une envie d’aller vers l’autre, de le rencontrer sur un pied d’égalité et de partager avec lui un moment de vie sur un mode sensible.  Cette sensibilité doit déjà exister et doit être développée par la formation ou la pratique avec un partenaire clown expérimenté. »

Si Alain développe  cette activité en Région parisienne et dans le centre de la France, il reste ouvert à de nouveaux projets et collaborations.

Pour aller plus loin…

Je vous invite à consulter la page Facebook et le site d’Alain.

Envie de découvrir d’autres initiatives positives en maison de retraite ? A quelques jours, de ce mois d’octobre, je vous invite à découvrir ces résidentes. Dans le cadre d' »octobre rose », elles réalisent des coeurs en tissu qui allègent les douleurs post-opératoires du cancer du sein. Cliquez ici, pour découvrir l’article.

Nous nous retrouvons très vite pour un autre article.

A bientôt la compagnie !

Coralie

 

Exceptionnellement, cet article a été écrit à 4 mains. Merci Alain d’avoir pris le temps de co-écrire sur les clowns sensibles.

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