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23 août 2021

Secrets d’une presque centenaire…Remontez vos chaussettes avec Gilberte !

Par Coralie

Ce n’est pas tous les jours que nous avons rendez-vous avec une dame qui fêtera bientôt ses 99 ans. Il y a quelques semaines, j’ai lancé un appel. Je souhaitais, dans cette série des 52 portraits, mettre en lumière, une personne qui approchait les cent ans. Cette demande entendue et relayée m’a permis de rencontrer Gilberte. Et si les centenaires ont toujours quelque chose de fascinant, Gilberte l’est tout autant.

Si vous avez un petit coup de mou, ou que le blues de la rentrée vous guette, lisez cet article. Car comme direz Gilberte, il va vous permettre de : « Remonter vos chaussettes ! »,

Aujourd’hui, je vous propose un témoignage rempli d’optimisme, de sagesse et d’expérience. Bienvenue pour ce nouvel article.

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Remontez-vous les chaussettes, photo de Nick Page

Des centenaires qui fascinent.

En janvier 2011, en Belgique, les centenaires étaient au nombre de 1630. En janvier de cette année, le pays comptait 2 163 centenaires. (Sources Statbel). Et même si le nombre de centenaires est en augmentation, ces personnes qui traversent les générations représentent toujours quelque chose de fascinant.

Témoins de faits historiques marquants, dotés d’une longue expérience, les centenaires ont souvent bien des choses à nous partager.

Aux côtés de Gilberte, j’ai vécu un réel moment suspendu. Accompagnée de sa fille, au coin d’une table, autour d’un petit apéro, mon invitée habituellement tournée vers l’avenir a accepté de faire un bond exceptionnel dans le passé.

Regarder devant jamais derrière !

C’est une des devises de mon portrait. C’est-à-dire que comme elle me l’explique, le passé n’a pas toujours été facile. « Aujourd’hui, je vais bien, je vis dans mon petit flat qui est annexé à l’habitation de ma fille. Je sors pour prendre un petit repas ou un verre à l’extérieur, il ne faut jamais rater une bonne occasion. Il y a quelques années, une infirmière m’a dit si vous êtes dans une telle forme c’est certainement lié au fait que vous avez eu une vie facile, sans tracas…et pourtant si elle savait. »

Il est vrai que quand mon invitée nous convie à réaliser un bond en arrière, nous constatons que tout au long de sa vie, elle a dû faire preuve de détermination et d’adaptation : « Je suis née dans un petit village de la région d’Ath. Mes parents et mes grands-parents y étaient nés également. Nous étions fermiers et le décès d’un membre de notre famille a imposé, que très tôt, nous avons dû travailler dans les terres. J’avais 8 ans,  tous les soirs je quittais mes parents pour dormir auprès de ma Tante. Je laissais la vie en société pour rejoindre une vie très isolée. Vers 15 ans, j’ai demandé pourquoi moi. J’étais une fille, et c’était comme cela, c’était l’éducation de l’époque. »

Plongée dans la Guerre totale.

Quelques années plus tard, Gilberte connaît la guerre et l’occupation. « Notre région a drainé de nombreux résistants. Un  jour, les soldats allemands sont venus fouiller la maison. Toute la famille a dû rester au pied de l’escalier les mains sur la tête. Pour ma part, j’ai réalisé, avec les soldats, le tour de la maison. Dans le grenier, ils ont découvert une sacoche en cuir. Elle était vide mais était destinée à contenir un pistolet. Le doute était lancé. Au bureau, ils ont également découvert un tampon destiné à la colombophilie. Il y manquait des caractères. Cette fouille a duré pendant des heures, il n’y pas un seul papier de la maison qui n’a été soulevé. A un moment un soldat m’a glissé l’idée que nous avions gardé cette sacoche afin de nous servir du cuir pour la réparation de nos chaussures…j’ai saisi cette perche tendue. Ils sont finalement partis. Une bataille d’avions anglais contre allemand avec échange de balles, les moments dans la cave, voir partout les soldats…même si j’étais pétrifiée, je ne le montrais pas, il fallait foncer. »

Et si les souvenirs difficiles restent intacts, comme le dit mon portrait « les blessures de l’enfance restent toujours », pour les moments heureux il en est de même : « A la Libération,  j’étais sur les hauteurs du village, dans une maison isolée, depuis laquelle on pouvait voir le village en contre-bas. J’étais en compagnie de ma future belle-soeur et d’une cousine. Nous avions entendu que les américains arrivaient et nous voyions par la fenêtre de la maison, le cortège des militaires qui rentrait dans le village. Ma belle-soeur était folle de joie. A un moment elle nous a lancé ; comme je l’ai toujours dit, j’embrasserai le premier américain qui rentrera ici. A l’entrée du premier soldat, elle l’a fait ! Et il a répondu « Non américain, canadien ! Qu’est ce que nous avons ri ».

Un voyage au bout du monde.

Quelques années plus tard, mon portrait suit son époux pour une opportunité professionnelle en Afrique. « Nous avons réalisé notre premier trajet en avion, c’était un D4. Nous devions normalement travailler dans le secteur agricole, mais cela ne s’est pas passé comme nous le souhaitions. De ce fait, mon mari a cherché un autre travail et il a été engagé pour construire les nouvelles lignes de chemins de fer électrifiées. Nous habitions sur des cabanes en hauteur qui suivaient le chantier et nous déménagions à chaque tronçon de ligne exécuté. Nous habitions en pleine brousse dans 2 maisons préfabriquées montées sur des fûts d’essence pour éviter les animaux.  Il a fallu s’habituer à la chaleur, l’humidité et aux animaux sauvages, j’ai même croisé des léopards ! Mais cette vie nomade a également induit que nous devions nous séparer de notre fille. Nous étions loin de l’école, elle est donc allée en pensionnat. Tous les mois, toute petite, les religieuses la mettaient dans le train avec son doudou pour nous rejoindre dans une gare inexistante en brousse ! Quand on y repense, c’est incroyable de penser à cela aujourd’hui.« 

Après 6 ans, la famille programme son premier séjour au pays : « Nous sommes arrivés à Anvers, le voyage en bateau a duré 15 jours. Quand nous sommes rentrés nous avons eu un accueil formidable, mais nous avons aussi compris que nous étions devenus des étrangers dans notre propre pays. Loin de ce qui s’y passait, de l’actualité et pour certains nous avions même perdu notre nom, nous étions devenus les congolais. Quelques années plus tard, nous sommes cependant rentrés au pays. Nous nous sommes remontés les manches et avons travaillé dans différents secteurs. Cette période n’a pas été facile. Nous avons dû reprendre plusieurs fois tout à zéro, mais quand on touche le fond, on ne peut que claquer les talons pour remonter et vous voyez je n’en suis pas morte ! »

Assez parlé du passé, maintenant un peu d’avenir !

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Un avenir en famille, photo de Shane Rounce.

Et l’avenir, Gilberte aime surtout le consacrer à son unique arrière-petit-fils : « Il est né le même jour que moi ! Ce 13 octobre, je fêterai mes 99 ans et lui ses 13 ans. Je suis du signe astrologique de la balance et avec moi ça balance ! J’adore faire de la pâtisserie avec lui, cela m’amuse beaucoup. On réalise des choux, des profiteroles et surtout la Forêt noire de Bonne-Mamy. A présent, il prépare aussi certaines recettes de biscuits seul. C’est ça mon projet, cette complicité avec mon arrière-petit-fils, mais aussi, avec ma petite-fille, discuter avec elle, partager des bons souvenirs de Bon-papa et des bons moments passés à 3. Continuer à être avec ma famille, les appeler quand les athlètes belges gagnent aux Jeux Olympiques, voyager à travers le Tour de France, me faire et boire mon petit café la nuit ! Et puis surtout continuer à remonter le moral. Se plaindre c’est facile, mais il faut se tourner vers la lucidité, et se dire que ça va aller. Comme je dis toujours : remontez vos chaussettes, regarder devant soi, se retourner ne sert à rien. »

Et pour renforcer ce message, Gilberte termine cette rencontre sur un dialecte wallon : « Il faut foutre ou danser ». Pour ma part, je le comprends comme une invitation à se bouger quoi qu’il arrive !

Et vous comment comprenez-vous ce dicton ? Pensez-vous que l’optimisme de Gilberte est son secret de centenaire ? Ou penchez-vous plus pour son petit café en pleine nuit ?

En tous les cas, je ne peux que vous encourager à aller à la rencontre de centenaires ou presque. Il se passe quelque chose à leur côté qui nous rend humble…

Je remercie Gilberte, et sa fille, d’avoir répondu à mon appel. Cette interview de visu restera un très beau moment « Faut pas pousser Mamy ».

Nous nous retrouverons la semaine prochaine en compagnie d’une géante demoiselle ! En effet, j’accueillerai Vincent, porteur de « Mademoiselle Victoire » à la Ducasse d’Ath, passion qui se transmet de génération en génération.

D’ici là, transmettez !

A la semaine prochaine

Coralie

 

 

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