« Accompagner » quand la retraite permet de continuer ce qui nous a toujours fait vibrer.
Avoir quelques minutes de retard, pour interroger mon premier portrait Suisse, ça c’est un comble ! Heureusement, Jean-François est un habitué des relations humaines et comprend ce contre-temps.
Dès le début d’interview, je décèle que celui-ci s’est toujours investi dans « l’accompagnement ». Que ce soit d’autres générations ou de la sienne, mon invité s’implique dans cette société en évolution.
Aujourd’hui, il est le président de l’Association des retraités de Fribourg. A travers ce titre, il coanime notamment, un programme de formation de préparation à la retraite.
Ouvrir le dialogue, améliorer les compétences et les situations, trouver des solutions….c’est une des grandes motivations de Jean-François.
Je vous souhaite la bienvenue pour cette escapade en Suisse, qui vous permettra de découvrir quelques facettes de l’engagement de mon 44 ème portrait et une réflexion liée au moment du passage à la retraite.
Direction Fribourg, ville « Libre ».
C’est à quelques kilomètres du Doubs en France, que m’accueille Jean-François. Comme je ne connais pas cette région, il m’oriente : « Fribourg a été bâtie aux alentours de 1200. Son nom vient de l’allemand « Frei » qui signifie liberté. Elle abonde de nombreux sites touristiques dont sa Cathédrale Saint-Nicolas qui a un style particulier. Construite sur un rocher, son relief accidenté se divise en une ville haute et une ville basse traversée par une rivière la Sarine. Atteignant presque 40.000 habitants, c’est une ville d’études qui est réputée pour son Université. Celle-ci comporte 5 facultés qui offrent un large éventail de choix de formations. »
Et dans le domaine de la formation, Jean-François dispose d’une sacrée expérience. A tour de rôle instituteur dans une École Normale, professeur de sciences dans les écoles d’infirmiers et directeur d’une école paramédicale, toute sa carrière professionnelle a été dédiée à la formation et l’accompagnement : « Les gens sont doués mais, souvent, ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire. Quand les étudiants arrivaient dans les filières de la Santé, du Social ou de l’Éducation ils savaient pourquoi ils étaient là, ce qui diminuait le risque de décrochage. En Suisse, nous déplorons un grand manque de personnel médical et paramédical, la formation est donc essentielle. »
Et au terme de cette vie professionnelle bien remplie, l’heure de la retraite sonne pour Jean-François.
A la retraite, conservez les liens !
Alors qu’il se prépare à quitter sa fonction de Directeur, un journal local lui consacre un article dans une rubrique réservée aux retraités régionaux (Note de la Blogueuse, voilà une jolie idée). : « Six mois avant la retraite, j’ai été contacté par un journal local qui tous les lundis consacre un article à un retraité de la région. Suite à ce papier, j’ai été abordé par l’Association des Retraités de l’Etat de Fribourg (AREF) qui recherchait un Président. J’avais toujours été en contact, et je savais que conserver des liens serait important lors de ma retraite, j’ai donc accepté. C’est même un des premiers conseils que je partage lors de l’animation des séances de préparation à la retraite : ne pas se couper du monde. »
Et son implication dans cette association qui a pour but d’entretenir des liens d’amitié et de solidarité entre ses membres, lui donne également l’occasion de porter la voix des aînés au sein de la Fédération Fribourgeoise des retraités.
« Cette association regroupe approximativement 7.200 personnes. Nous y sommes consultés sur des questions liées aux réformes des retraites, aux intérêts sociaux, culturels et économiques des aînés. Actuellement, nous constatons que le jeunisme occupe une place de plus en plus importante dans nos sociétés. Nous travaillons donc à des projets qui permettent de conserver les liens avec les plus jeunes, les actifs. Nous encourageons également la participation des retraités à des activités d’utilités sociales. »
Des aînés réellement impliqués.
Et quand vous consultez le site de l’association, ici, vous constatez à quel point cette organisation permet d’inclure les aînés dans la vie politique et sociale du pays. Mobilité, Aide Sociale, Plan climat, fiscalité des entreprises, Santé…sont quelques thèmes qui ont été abordés lors de cette année 2021.Cette structure est présente sous le même modèle dans tout le pays. « Nous sommes consultés pour toute une série de décisions. Cela ne veut pas dire que notre avis est toujours suivi, mais il est écouté. Ce qui est intéressant également dans cette démarche, c’est que nous devons consulter et connaitre les dossiers avant de prendre position. Ceci nous permet de mieux nous informer sur les thèmes pour construire notre position, mais aussi d’informer les membres de nos associations. »
De plus, cette association programme des ateliers qui proposent des pistes de solutions concrètes à ses membres. Par exemple, j’ai relevé le cours, « Apprendre à être mieux pour mieux aider ». Il s’organise en 7 séances et s’adresse, en priorité, aux proches d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou de troubles de mémoire. Il y a également d’autres programmes comme la formation de préparation à la retraite, des subventions pour des appels à projets intergénérationnels…
Et en tant que grand-père, Jean-François est également un « accompagnateur ».
Un peu à l’image de Philippe, que j’avais rencontré lors du début de ce défi, Jean-François m’explique l’évolution de son rôle de grand-parent selon l’âge de ses 7 petits-enfants. A savoir, ses petits-enfants ont entre 2 et 22 ans.
» Quand les petits-enfants sont petits, les parents ont besoin de nous pour les seconder dans la vie quotidienne. Souvent bien occupés par le travail, ils ont besoin d’une garde occasionnelle, ou pour aller les conduire à un endroit ou un autre. Quand ils grandissent, cela devient beaucoup plus aléatoire. On les voit de temps en temps quand ils ont besoin d’un petit sous 😉 Par exemple, nos plus grands s’éloignent de chez nous pour réaliser leurs études ou le service militaire. Ils prennent leur liberté. Cependant, nous continuons à accueillir souvent les plus petits et c’est formidable. Ils passent du temps chez grand-papi et grand-mamie. Nous accordons beaucoup d’importance aux repas partagés : nous réalisons souvent leurs plats préférés et surtout un « bon petit dessert » ou un morceau de chocolat. Nous jouons beaucoup avec eux, et aimons partager des visites de musées. L’aspect sportif n’est pas oublié avec les balades et la nage. Et si aujourd’hui, nous ne skions plus par peur du risque de chute, nous profitons de nos sorties dans la vallée pour faire un petit coucou à nos petits-enfants. Nous les aimons beaucoup et c’est réciproque. »
Mon regard sur ce témoignage.
Dans nos sociétés, de nombreux projets et associations bénéficient de l’aide de retraités pour mener des projets d’utilités sociales. Pourtant, quand nous analysons le mot « retraite, il est lié au mot « retrait ». Dès lors, dès que l’heure de la « mise à la retraite » a sonné, comment ne pas prendre cette place de retrait dans certaines sociétés ? Les mots que nous utilisons ont un impact et sans être linguiste, il est facile d’analyser le poids des mots associés aux mots liés à la retraite : mise à la retraite, poids des pensions, …Savez-vous que dans d’autres langues, la retraite a une connotation bien différente. Par exemple, en espagnol, la traduction de ce mot signifie « Jubilation ». La retraite est donc associée à un sentiment de grande jouissance et de triomphe. Nettement plus tentant !
Le témoignage de Jean-François est un exemple, parmi tant d’autres, que cette période de la vie peut être une période aussi riche que toutes les autres, une période d’événements heureux.
Les retraités une richesse cachée ?
Comme vous le savez, un objectif de ce site est de montrer la richesse des aînés dans nos sociétés. Je vous propose de prendre le temps de vous arrêter pour réfléchir, et analyser votre environnement. Combien de clubs sportifs et associations peuvent compter sur le soutien sans faille d’un retraité, combien d’actions solidaires sont portées en partie par des aînés, combien de parents peuvent continuer à travailler grâce à un coup de pouce des papis et mamies…Les seniors et les retraités portent souvent tout un pan de notre économie, de notre santé ! (Si si, merci les grands-parents d’alléger la charge mentale des mamans par exemple !)
Et pourtant, si nous poussons la réflexion, où sont représentés les retraités ? Où sont-ils sondés ? En Belgique, par exemple, il existe quelques initiatives communales mais qui ne remplissent pas toujours le rôle véritable de consultation qui leur est confié. Y-aurait-il un âge où l’on est trop vieux pour donner de la voix ? Pour partager son avis? Depuis quand, est-il important de penser pour les vieux ce qui est important pour eux ?
Quand allons-nous mesurer la richesse de ces grands-parents qui accompagnent nos projets ?
Le témoignage de Jean-François, nous montre comment la Suisse a su structurer cette consultation. Je pense que cet exemple est inspirant à bien des égards pour construire une véritable société intergénérationnelle…
Qu’en pensez-vous ? Laissez-moi vos réflexions dans les commentaires.
Merci à Jean-François pour ce moment partagé et l’intérêt qu’il a accordé à mon projet.
Je vous retrouve la semaine prochaine pour un nouveau portrait.
Coralie